Qu’est-ce que le trait de côte ?
A l’interface entre terre et mer, le littoral n’est pas un milieu immuable, mais fluctue sous l’effet combiné de processus naturels et de l’action de l’Homme (construction d’ouvrages tels que des digues le long du littoral fixant localement le trait de côte ou perturbant les mouvements sédimentaires, apport de sable, asséchement de marais, etc…). Ces évolutions se traduisent par des phénomènes d’accrétion (avancée de la terre sur la mer sous l’effet d’une accumulation de matériaux), ou d’érosion (départ de matériaux vers la mer ou parfois vers l’intérieur des terres) participant au recul du trait de côte et/ou à l’abaissement des plages. Ces phénomènes ne freinent cependant pas l’installation toujours plus grande des populations humaines sur le littoral, attirées par les avantages qu’offre cet espace particulier, lieu de récréation, de villégiature ou de développement économique. Il convient dès lors de bien le connaître pour le gérer au mieux et anticiper ces évolutions notamment par le suivi de ce qu’on appelle le trait de côte.
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Comment définir le trait de côte ?
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Le trait de côte pourrait se définir simplement comme la limite entre la terre et la mer. Cependant selon le type de côte considéré et sitôt que nous cherchons à tracer cette « limite », la notion de trait de côte devient plus complexe et peut se caractériser de différentes façons, à l’aide de plusieurs marqueurs et en fonction des données disponibles :
- la limite de végétation ;
- le pied ou le sommet d’une falaise (rocheuse ou sableuse) ;
- la ligne d’intersection de la surface topographique avec le niveau des plus hautes mers astronomiques (définition du Shom) ;
- un ouvrage de protection construit le long du littoral ;
- etc…
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La définition du trait de côte peut être variable selon son usage. Lorsque l’objectif est d’étudier ses fluctuations et leurs impacts sur les enjeux environnementaux, sociaux et économiques des littoraux, le trait de côte constitue moins une ligne qu’une bande côtière de largeur variable, qui intègre des facteurs à la fois humains, climatiques, géologiques, écologiques, socio-économiques mais aussi historiques et culturels.
Cette notion de bande côtière, qui s’étend du domaine marin au domaine continental, permet de mieux rendre compte de la diversité des environnements littoraux (côtes sableuses, rocheuses, baies, estuaires, mangroves, plages coralliennes, etc…).
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Sur une carte marine, le trait de côte symbolise l’intersection de la terre et de la mer lors d’une marée haute (coefficient 120) dans des conditions météorologiques normales (pas de vent du large, pas de dépression atmosphérique susceptible d’élever le niveau de la mer) (Shom).
En réalité, il existe différentes définitions du trait de côte, liées aux utilisations que l’on peut en faire. Par exemple, sur une plage, la limite terre/mer à l’instant t peut être considérée comme un marqueur instantané de position du trait de côte, tout comme la laisse de mer de la marée précédente ou de la tempête précédente, ou encore une limite d’érosion…
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Si cette notion de frange ou de bande côtière est souvent favorisée, il reste cependant nécessaire de conserver la notion de trait de côte afin de disposer d’un indicateur représentatif d’une limite terre-mer, commun aux différents gestionnaires, permettant de suivre l’évolution du littoral, de partager cette connaissance et d’harmoniser les méthodes de suivi. Il ne s’agit pas d’une définition théorique du trait de côte, et généralisable à tous les environnements, qu’il convient de donner, mais une définition « fonctionnelle » de la frange côtière en fonction du type de littoral et des objectifs de suivi (Mallet et Michot, 2012).
Dans un objectif de gestion du littoral, il est nécessaire de connaître l’évolution du trait de côte (avancée, recul, stabilité) en fonction des échelles temporelles associées (évènementielle, saisonnière, annuelle, etc…). Pour analyser ces changements, il est nécessaire de définir un marqueur du trait de côte, de manière à prendre en compte les différentes configurations géomorphologiques des littoraux ainsi que les notions d’évolution temporelle relatives.
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Les marqueurs de position du trait de côte
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Les marqueurs de position du trait de côte sont utilisés pour caractériser la limite entre la terre et la mer et faciliter la cartographie des limites estran-dune, estran-falaise, etc… Ils sont définis à partir de critères géomorphologiques (formes des côtes) sur la base d’observations et de mesures de terrain, de l’analyse et de l’interprétation d’images aériennes ou spatiales (Aubié et al., 2011).
45 marqueurs du trait de côte, utilisés à travers le monde à des fins d’étude de l’évolution du littoral, ont ainsi été répertoriés par Boak et Turner (2005). Certains de ces marqueurs s’appuient sur des éléments géomorphologiques ou sur des considérations altimétriques voire hydrodynamiques (limite de déferlement), d’autres sur la présence de végétation (botanique) ou de débris (laisses de mer)… Sur cette base, une typologie des principaux marqueurs du trait de côte recommandés et classés par type et par milieu a été proposée dans le rapport BRGM de Mallet et Michot, 2012. Ces marqueurs permettent de localiser le trait de côte choisi, et doivent être caractéristiques de l’évolution du site, en fonction des contextes géomorphologique et dynamique de la côte. En réalité, les scientifiques combinent plusieurs marqueurs pour appréhender la dynamique du trait de côte le long d’un littoral donné. Par exemple la limite de végétation de la dune, obtenue par l’interprétation de photographies aériennes historiques ortho-rectifiées, peut être combinée avec le niveau moyen des plus hautes mers mesuré tous les mois. Ce croisement permet d’appréhender d’une part, les évolutions temporelles et, d’autre part, les variabilités saisonnières et interannuelles du trait de côte, résultant des variabilités climatiques qu’elles soient naturelles ou pas (Castelle et al., 2017, 2018).
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Boak E.H. et Turner I.L. (2005) - Shoreline Definition and Detection : A Review. Journal of Coastal Research, 21(4), 688–703. West Palm Beach (Florida), ISSN 0749-0208.
Castelle B., Bujan S., Ferreira S., Dodet G. (2017) - Foredune morphologial changes and beach recovery from the extreme 2013/2014 winter at a high-energy sandy coast. Marine Geology, 385, 41-55.
Castelle B., Guillot B., Marieu V., Chaumillon E., Hanquiez V., Bujan S., Poppeschi, C. (2018) - Spatial and temporal patterns o shoreline change of a 280-km high-energy disrupted sandy coast from 1950 to 2014 : SW France. Estuarine Coastal an Shelf Science, 200, 212-223.
Mallet C., Michot A., avec la collaboration de De La Torre Y., Lafon V., Robin M. et B. Prevoteaux (2012) – Synthèse de référence des techniques de suivi du trait de côte – Rapport BRGM/RP-60616-FR, 162 p., 100 fig., 7 ann Téléchargeable ici en pdf.
Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer (2010) – La gestion du trait de côte. Quae, 304 p. isbn : 978-2-7592-0360-4
Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie (2016) – Développer la connaissance et l’observation du trait de côte – Contribution nationale pour une gestion intégrée, 24 p. Téléchargeable ici en pdf.